EBP Escola Brasileira de Psicanálise : Parlons de la politique jeunesse ![1]

Entretiens d’actualité des Écoles

03 juillet 2023

Angelina Harari: Hello, EBP!

Quelle est la contribution des jeunes à l’École aujourd’hui ?

Il y a un certain vieillissement de ses membres au sein de l’École. Que faire pour lui donner un souffle de jeunesse Il y a bien une différence entre l’analyste jeune, en âge, et le jeune analyste, initié aux études et à la pratique analytique, pas forcément jeune en âge !

Dans la préface du livre Lacan Redivivus, Christiane Alberti, se référant à Lacan[1], souligne que le langage de la psychanalyse est toujours un langage courant. Alors, comment se débarrasser de l’impression que la psychanalyse est dépassée et a du mal à inclure les jeunes ? Les Écoles de l’AMP étant vieillissantes, accueillir l’analyste jeune serait une façon de les rajeunir.

À la fondation de l’EBP, J-A Miller a mis en avant l’idée de durée : une École est faite pour durer. Le pacte de parole avec les jeunes, auquel se réfère le projet sur la jeunesse, est un pari sur la possibilité que l’École dure, encore.

En ce sens, le jeune incarne la survivance même de la psychanalyse, considérant surtout que la psychanalyse n’est pas un autre mode de thérapie, de traitement des symptômes. Dans la conception de Lacan, la psychanalyse est un mode de discours, elle existe comme lien social. Par conséquent, la présence des jeunes parmi nous est fondamentale, elle détermine notre propre avenir en tant que discours. Pour cela, il est indispensable que le jeune qui s’approche de l’École et de la psychanalyse y investisse, qu’il mise sur sa formation analytique.

Quel est l’intérêt actuel pour jeune ?

Lacan s’est tourné vers les jeunes de son École lorsqu’il a vu que, autour de lui, se formait une caste de doctes qui se considéraient comme les détenteurs du savoir analytique.

Une différence entre l’université et l’École de Lacan : à l’université, le savoir est aux professeurs, il est établi, il est universel ; à l’École de Lacan, contrairement à l’université et à l’IPA, où le savoir est restreint aux soi-disant doctes de l’institution, nous gageons que la présence des jeunes à l’EBP fera vaciller le savoir éventuellement localisé dans certains groupes, en s’appuyant, par exemple, de la structure du cartel, qui favorise une discussion et n’établit pas, a priori, une hiérarchie entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

Néanmoins, cette hiérarchie tend à se reproduire aussi dans une École de Lacan, car on promeut souvent l’idée de l’analyste chevronné, celui qui a accumulé, tout au long de sa pratique analytique, une expérience. Mais Lacan ne pense pas l’analyste à partir de cette accumulation d’expérience. Pour lui, l’analyste résulte de sa propre expérience d’analyse. Par conséquent, l’École ne peut fonctionner ni comme une église ni comme un groupe de chevronnés. Elle doit transmettre en elle-même l’expérience de l’analyse, son modèle doit être l’expérience de l’analyse.

Comment ne pas cibler les jeunes « en gros » ?

Jacques-Alain Miller souligne que le discours analytique, régi par le pas-tout, implique de soutenir le un par un, contrairement au discours du maître qui considère les individus « en gros », impose un universel.

La nouvelle politique adressée aux jeunes vise à constituer une École qui ne soit pas toute-jeune ni toute-ancienne, dans laquelle les jeunes peuvent tempérer les anciens et vice versa, en dépoussiérant le savoir des soi-disant doctes. Décompléter le groupe analytique est important et les jeunes seront certainement un agent dans ce processus.

Pour cela, il y a quelque chose qui concerne l’École elle-même, c’est-à-dire dans ce qu’elle propose comme formation, qu’elle soit en mesure de proposer des thèmes plus contemporains. L’École suscitera l’intérêt des jeunes si elle subit elle-même un processus de mutation dans sa manière de fonctionner, d’agir.

Il ne s’agit donc pas de chercher un langage plus jeune, mais d’utiliser le langage courant visant à atteindre les jeunes, un langage capable de toucher les symptômes du malaise contemporain, c’est-à-dire d’atteindre ce jeune qui apporte certainement avec lui une question sur ces symptômes.

Bref, nous sommes face à quelque chose à inventer !

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The One and the multiple: identity drifts of the multiple [2]

The Brazilian School of Psychoanalysis is multiple and has its own difficulty: there needs to be a balance between the One and the multiple. The EBP was the first School founded by the AMP. On this occasion, Jacques-Alain Miller underlined that the One of the School is fragile and that anything that reinforces it will be welcome, provided that the multiple willingly accepts it.

Et aujourd’hui, comment va-t-il cet équilibre ?

La question posée par J.-A. Miller est presque une orientation pour notre réflexion sur la façon d’opérer dans l’EBP, composée de l’association de ses différentes sections dans les différents États, en raison de la dimension continentale du pays. C’est un fait qu’au Brésil, il ne s’est pas constitué un seul pôle d’où a rayonné la psychanalyse, elle se diffuse depuis plusieurs centres. La structure de l’EBP a été conçue à une époque où la possibilité d’échanges était incertaine, les contacts difficiles à établir. Il incombait alors à chaque section de trouver un moyen de survivre et de faire avancer la psychanalyse.

Il n’y a pas de consensus selon lequel la question de l’Un et du multiple serait due à la dimension continentale du pays, il y a un facteur à la fois structurel et particulier : sa dimension, et le fait que le Brésil est une République fédérative, donc un pays dans lequel le multiple existe presque spontanément dans les initiatives institutionnelles de toutes sortes.

Les questions du temps de la fondation demeurent : un certain mutualisme régional, une certaine réduction des conversations à l’espace des Sections. Il y a tension autour de l’Un de l’École : bien que les Sections n’aient aucun doute sur leur existence en fonction de l’École, l’EBP, comme Un, fonctionne parfois comme un extime et non comme Un face à la réalité de ses Sections.

On peut dire qu’il n’y a pas d’Un sans multiple et qu’il n’y a pas de multiple sans Un, il s’agit d’une relation dialectique. Dans la distance entre l’Un et le multiple, le risque d’identitarisme, signifiant maître actuel, tient à une prévalence du multiple, absolue, dans laquelle l’Un de l’École perd son âme, son identité, son autorité, etc.

L’Un est accepté si le multiple l’accepte. Ainsi, l’engagement des instances supérieures de l’École, conseil et directoire, dans un travail qui pousse l’École vers l’EBP comme Un est primordial. Garder un équilibre léger entre l’Un et le multiple est essentiel.

Donc, une orientation qui vise à l’Un doit être la politique de l’École, l’orientation lacanienne, dont les manifestations se font présentes via la passe, qui est une des incarnations de cet Un dans l’École, et nos réunions, congrès et publications nationales en donnent l’expression, consolident cet Un.

Le virtuel dans l’EBP multiple renforce-t-il l’Un ?

La question de savoir si le virtuel renforce ou non l’Un dépasse l’École, elle englobe la pratique clinique de chacun de nous face à l’accessibilité apportée par le virtuel, du fait de l’impossibilité de la pandémie. Mais le virtuel ne peut se présenter comme Un, car il ne nous garantit pas l’avancement qu’on attend de lui.

Traiter la question institutionnelle de la formation des analystes, du fonctionnement des Écoles à partir de l’Un et du multiple fut, sans doute, une audace de J.-A. Miller, car, au fond de cette question, on se trouve face à l’origine de la philosophie. C’est Parménide qui s’interroge sur le fondement ontologique de l’être dans l’Un.

La question de l’Un s’adresse aux discours qui visent à toucher le réel. D’où notre intérêt pour une politique qui renforce l’Un, précisément pour toucher un morceau de réel concernant la souffrance d’un sujet, les situations symptomatiques dans le lien social. La question de l’Un suppose, par exemple, les événements contingents de corps. Et le virtuel apporte une certaine difficulté, car il se présente comme une solution au problème.

On ne sait pas très bien quels sont les effets du virtuel comme technique, comme stratégie institutionnelle. Donc, c’est une certaine prétention de vouloir définir le virtuel, soit du côté du renforcement de l’UN, soit du côté de fragiliser cet Un.

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La conversation sur la passe : vers un Collège de la passe[3]

Quel est le bilan de la conversation sur la passe ?

Le premier bilan de la conversation a été le fait qu’elle a rétablit la modalité de la conversation à l’École relativement à la passe et visant le Collège de la Passe, mais pas seulement. D’ailleurs, Lacan lui-même a fait une proposition et non un Diktat sur la passe, et c’est à ça que Jacques-Alain Miller nous renvoie constamment. Donc, ce n’était pas la théorie qui était en cause, mais le règlement, c’est-à-dire quelque chose qui peut changer et il est souhaitable qu’il change, car les choses changent en fonction du temps.

Renforcer la connexion étroite entre la passe et le débat a révélé quelques dysfonctionnements. Les rapports de cartels de la passe, par exemple, sont peu ou pas explorés en profondeur, tout en étant bien élaborés. Ils s’attachent, dans chaque cas, à formaliser la fin de l’analyse. Le dysfonctionnement affecte ainsi l’enseignement du cartel, qui, peu exploré, surestime l’enseignement de l’AE, provoquant un pousse-à-l’autofiction dans les témoignages.

Il est fondamental d’avoir la passe comme l’Un de l’orientation à l’horizon, sans négliger l’élément multiple. Comment articuler cela, comment produire une tension féconde, à l’égard de cette question, qui puisse favoriser la passe ?

Se concentrer sur certains dysfonctionnements dans le dispositif de la passe vise à éviter qu’ils ne se répandent en bruits de couloir, du fait de l’absence de débat sur la passe et encore moins sur ses dysfonctionnements.

Confiance et réticence

Comment comprendre ce décalage ? Quand un dispositif fonctionne en continu depuis 2006, c’est qu’il y a confiance. Mais, en même temps, il y a des réticences. Dans la conversation, une certaine forme de mutualisme a été signalée dans le choix de l’extime, c’est-à-dire une tendance à choisir un extime pour favoriser, dans certains cas, les intérêts du groupe. Cet aspect n’a pas été exactement considéré comme un symptôme de l’EBP, mais c’est un problème auquel nous devons être attentifs.

Il n’y a pas de crise à l’EBP, mais la crise à l’ECF a permis à l’EBP de réfléchir sur des points importants, comme la fonction de l’AE pour l’École, ce que l’École attend de l’AE, l’effet de la passe sur le collectif, la fonction de l’AE auprès du collectif de l’École.

L’École attend que l’AE puisse interpréter le groupe, ce qui impliquerait de le dissocier du signifiant maître, d’un idéal de groupe. En ce sens, on touche aussi à la question de réconcilier chacun avec sa solitude et avec son idéal. Il est important de rappeler, et cela est indiqué dans le texte de J-A Miller Théorie de Turin, que l’AE nommé lui-même doit faire avec ce collectif dans lequel la solitude est ce qui le connecte à l’Autre. Le Collège de la Passe peut favoriser cela.

À la question posée par J-A Miller dans Huit ponctuations sur la crise de la passe, l’EBP répond qu’elle désire maintenir sa passe liée à l’AMP, c’est une décision de l’EBP de maintenir ce lien.

Quel serait le motif pour convoquer un Collège de la Passe ?

La proposition du Collège de la Passe est qu’il reste actif, même par intermittence, afin de favoriser la conversation sur la passe à l’École, pas nécessairement traiter une crise.

Ainsi, l’importance d’un Collège de la Passe est aussi de nous orienter afin que nous puissions prendre position sur les acheminements faits dans l’ECF, qui vont au-delà de la dimension de solutionner quelque crise, plaçant l’expérience de la passe à un niveau supérieur. Discuter, par exemple, la passe une seule fois, les changements qui ont eu lieu à partir de l’expérience de notre dispositif de la passe par rapport aux passeurs, le choix des passeurs, le contact avec les Analystes Membres de l’École (AME) qui indiquent les passeurs.

Y a-t-il un Collège de la Passe en vue ?

Oui, et peut-être d’une nature légèrement différente de celle de nos précédentes expériences de

Collège de la Passe.

Transcription: Eduardo Vallejos | Traduction et révisio: Vera Avellar Ribeiro
Relecture: Marie Salaün

 

[1] Lacan, J.- «De la structure comme immixtion d’une altérité préalable à un sujet quelconque», La Cause du désir, n. 94, novembre 2026, p. 9.

[2] Entretien avec Henri Kaufmanner, président de l’EBP, Romildo do Rêgo Barros, directeur de l’EBP, et Jésus Santiago, responsable au Brésil de Zadig: Doces e Bárbaros.

Traduction: Juliane CASARIN Révision: Cintia SARY

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Traduction: Geisiane RIBEIRO DOS SANTOS Révision : Cintia SARY

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Traduction: Paula BARIONI Révision : Cíntia SARY

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