L’affiche du XV Congrès; Le dessinateur; Le directeur; L’executive board

11 septembre 2025
Eugenia Serrano Dolores Amden, Ricardo Seldes, Anna Aromi, Iordan Gurgel, Ruzanna Hakobyan, Victoria Horne Reinoso

Comment représenter ce qui n’a pas de représentation…ou le making-of de l’affiche*

Au départ, le défi était de savoir comment représenter ce qui n’a pas de représentation. Ce fut pour nous notre premier grand défi, et ce qui nous est venu à l’esprit fut de faire un repérage dans l’œuvre de Lacan, de Freud et de J.-A. Miller, de possibles références, images, figures qui pourraient aller sur une affiche et qui renverraient à l’idée du non-rapport sexuel. Nous avons été surpris de trouver plusieurs citations et images fortes qui pouvaient donner un appui épistémique à ce qui allait ensuite devenir l’image du Congrès. Nous sommes partis de la quatrième de couverture du Séminaire XIX et avons abouti à la Conférence XXVII de Freud. Finalement, J.-A. Miller a choisi l’image que nous connaissons tous à travers l’affiche, à savoir la rencontre impossible entre un ours polaire et une baleine, qui est, en outre, une référence que J.-A. Miller a trouvée dans la Conférence XXVII de Freud.

E.S. : Cela a traversé tout notre travail, non seulement avec la référence de l’ours et de la baleine, mais aussi lorsque nous envisagions d’autres pistes. Nous avions proposé le gant, mais quelqu’un qui n’avait pas lu le Séminaire XXIII, ou qui approchait la psychanalyse pour la première fois, n’avait pas à savoir de quoi il s’agissait. En fait, c’était une question que le graphiste nous posait souvent : « Et ça, à quoi cela nous fait-il penser ? Et ça, comment le reçoit quelqu’un qui découvre la psychanalyse pour la première fois ? » Ce que nous pouvons dire, c’est que ce n’est pas seulement un ours et une baleine : il y a aussi une série de clins d’œil présents comme, par exemple, le fait que ce sont deux animaux qui avancent chacun de leur côté.

D.A. : Je pense que la question de pourquoi deux espèces différentes tient justement au fait que cela redouble l’impossibilité de la rencontre. Et une autre chose intéressante à raconter est que, lorsque l’image définitive fut celle de l’ours polaire et de la baleine, Iñaki Jankowski, le graphiste, a suggéré qu’on n’utilise pas des images d’archives, car cela donnerait un effet de poster de National Geographic. C’est pourquoi on a choisi des objets réels, photographiés lors d’une séance photo en studio, et non des images d’ours et de baleines issues du règne animal.

E.S. : Deux choses me paraissent importantes à souligner. Nous avons d’abord réalisé une première série de photos où, à l’origine, nous avions écarté l’ours et la baleine. Celui qui les reprend, c’est J.-A. Miller, qui revient vers nous en disant : « Pourquoi pas ? » Je crois qu’il y a là une intention, une interprétation, de renforcer l’idée de rencontre, de rencontre impossible. Nous avions choisi des objets isolés : un gant, une plume de paon. J.-A. Miller a réintroduit le couple de l’ours et de la baleine.

D.A. : Et il y a une autre anecdote que j’aimerais souligner, que nous n’avons pas encore mentionnée. C’est le traitement typographique de l’aphorisme. Il est écrit d’une façon particulière et il y a ce détail : ce « O » dans toutes les langues, scellé, fermé, en blanc. Lors d’une réunion avec Christiane Alberti, elle a trouvé cela merveilleux. Elle a dit : « Eh bien, là, il y a un objet », ce « O » qui, en réalité, représente un trou, c’est pourquoi il est en blanc.

*Dolores Amden et Eugenia Serrano (EOL), membres de la commission
de diffusion et réseaux sociaux.

Traduction: Lore Buchner. / Révision de la traduction: Marie Salaün.


Interview exclusif avec le concepteur graphique de l’affiche

Mondō – Nous sommes ici avec le concepteur graphique de l’affiche du prochain Congrès de l’AMP, qui aura lieu l’année prochaine. Iñaki Jankowski, merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. J’aimerais savoir un peu comment vous en êtes arrivé à ce résultat.

Iñaki Jankowski : La fonction de l’affiche est, pour commencer, ce qu’on appelle à tort la publicité, parce que d’une certaine façon c’est ce qui va circuler auprès des différents interlocuteurs du Congrès. Cependant, nous avions comme prémisse que l’affiche puisse mettre en valeur l’aphorisme lacanien présenté dans ce Congrès, qui comporte trois parties. J’ai du moins repéré qu’on pouvait le diviser en trois segments principaux, et que cela pouvait être maintenu dans la traduction de l’aphorisme. Comme nous avons dû réaliser un système de cinq affiches pour cinq régions différentes, nous avons dû vérifier la correspondance de l’aphorisme et son fonctionnement, et nous avons constaté qu’il y avait trois parties constantes. Dans les traductions, il y a parfois des ambiguïtés dans les termes, mais dans ce cas il y avait une consonance, et il me paraissait intéressant de la souligner : c’est-à-dire que « il n’y a pas de rapport sexuel » pouvait être transposé dans d’autres langues de la même manière. Découper l’aphorisme en trois sections permettait ainsi de l’isoler en différentes thématiques.

Ce qui vient en arrière-plan – l’image qui soutient l’affiche – a été sans doute le processus le plus ludique, car une autre prémisse que nous avions, avec Eugenia et Dolores, c’était de ne pas donner de réponse à cet aphorisme. L’aphorisme est provocateur, il formule une affirmation qui est la négation du rapport sexuel. Alors nous nous demandions : convient-il d’apporter une réponse à cet aphorisme ou de laisser la question ouverte ? Il nous a toujours semblé beaucoup plus fécond de ne pas répondre littéralement à l’aphorisme, mais de produire une sorte d’étrangeté dans l’affiche.

I.J. : Pour moi, il était important de comprendre que l’affiche ne devait pas représenter un être humain. Cela me semblait essentiel, car autrement nous interviendrions dans les singularités de chacun, et ce serait, je crois, donner une réponse possible à l’aphorisme. Un autre enjeu de ce choix consistait à trouver des éléments qui fonctionnent comme des métaphores, et peu importe, en définitive, que le lecteur de l’affiche connaisse ou non la référence de cette métaphore. Il me semble néanmoins que c’est ce qui donne à l’affiche sa vie propre et ce qui peut constituer une excuse, une bonne excuse, pour que le Congrès lui-même s’en saisisse et la fasse croître à partir de là. Je suis sûr que l’on parlera au Congrès des images de la bibliographie psychanalytique permettant de rendre compte et de discuter de la grande provocation que génère l’aphorisme « Il n’y a pas de rapport sexuel ».

I.J. : Je crois que l’affiche a quelque chose de particulier qui me plaît, et que j’espère quelqu’un pourra détecter : cela tient à la manière dont les images sont disposées dans le cadre de l’affiche. L’affiche est un rectangle vertical qui contient ces éléments en train de ne pas se rencontrer. Il y a quelque chose dans la direction de chaque élément : ils sont en train de sortir de l’affiche. Mais ce n’est pas seulement cela, ils s’échappent réellement de l’affiche. Certaines parties de ces animaux se trouvent en dehors du cadre, ce qui ne fait qu’aucun des éléments n’est pleinement contenu à l’intérieur de l’affiche. Cela me semblait très en accord avec la thématique, voilà pourquoi elle n’est pas présente.

Traduction : Lore Buchner. / Révision de la traduction : Marie Salaün.


Nos fils de couleur…

Le Congrès nous place dans la dimension de la rencontre avec l’événement majeur de l’AMP.
De mon point de vue, le Congrès est l’occasion que nous avons de faire exister la conversation entre les membres des Écoles reconnues par l’AMP, mais aussi avec ceux qui se rapprochent de nous, qui se sont formés avec nous, par nous. C’est l’occasion d’une rencontre dans les cinq langues de l’AMP, de pouvoir avancer sur des thèmes qui, peut-être, n’ont pas encore été suffisamment développés ni situés au niveau de la clinique.

Alors, avoir l’occasion de nous confronter à cet aphorisme majeur de Lacan, «il n’y a pas de rapport sexuel», aussi mystérieux qu’éloquent, constitue, pour une association mondiale comme la nôtre, une opportunité unique.

Nous avons réussi à inclure une collaboration multi-pays, multilingue, dans laquelle les collègues peuvent faire un travail interocéanique, grâce, bien sûr, à l’époque actuelle qui nous soutient avec les dispositifs numériques. Il y a des équivoques de langue, bien sûr, que nous devons constamment éclaircir.

Oui, l’événement contient une conversation qui inclut aussi bien ce qui concerne la pratique — les impasses de la pratique, les inventions — que ce que nous pouvons penser pour faire avancer le discours analytique, dans la mesure où nous parvenons à maintenir ces conversations entre collègues immergés chaque jour dans l’orientation lacanienne.

La clé fondamentale, c’est le travail responsable et engagé des collègues de toutes les Écoles.
Nous n’avons pas encore dévoilé grand-chose de ce qui va se passer.
Ce n’est que maintenant, en septembre, que nous allons commencer à montrer un peu plus nos goûts, nos fils de couleur, notre fil rouge — celui qui va nous conduire à la fin avril de l’année prochaine, début mai, vers cette rencontre unique et joyeuse.

*Ricardo Seldes, Directeur du XVe Congrès de l’AMP.

Traduction : Guillermina Laferrara. / Révision de la traduction : Marie Salaün.


La construction de nouvelles idées…*

Au sein du comité exécutif, les collègues n’occupent pas nécessairement une fonction organisationnelle ou importante dans les écoles, mais ils ont une expérience dans ces grands événements de l’AMP.
Nous y allons un peu forcés, entre guillemets, par le sujet lui-même, car si nous prenons vraiment au sérieux ce « Il n’y a pas… », ce « Il ne peut pas s’écrire », cela fait que tout ce qui l’entoure doit être réécrit en permanence. Donc, entrer dans ce jeu éveille le désir, éveille l’envie.

J’essaie d’apporter ce que j’ai appris, surtout en travaillant avec mes collègues de l’AMP, et nous en avons en parlé un peu tout à l’heure du style et de ce que chacun peut apporter à partir de ce qu’il a pu édifier ou construire. J’aime la construction de nouvelles idées, de dispositifs, de façons d’organiser ou de penser les choses, car il me semble que c’est ce dont nous avons besoin en ce moment. Nous avons besoin de solidité, bien sûr, mais nous avons aussi besoin d’invention.

Je crois que cela peut donner l’envie aux gens de voyager, la curiosité de venir voir ce qu’ils proposent, ce que pensent les collègues à qui est revenu la tâche de réfléchir à ce thème impressionnant : «Il n’y a pas de proportion…», car on ne peut pas le dire, on ne peut pas l’écrire — non pas par impuissance, mais parce qu’il n’existe pas de signifiant pour pouvoir le dire, on ne peut que le contourner.

C’est un bord qui ne cesse pas de devoir se réécrire à chaque fois. C’est pourquoi la réécriture, la réinvention, tout cela nécessite un esprit un peu ouvert comme celui de Ricardo et comme celui de la commission organisatrice en général.

*Anna Aromi (ELP), membre du comité executif.

Traduction: Guillermina Laferrara. / Révision de traduction: Marie Salaün.


C’est un travail de conseil…*

L’invitation à faire partie du comité exécutif a été une surprise, car cela ne m’était pas venu à l’esprit, je n’y avais pas pensé. J’ai imaginé que cela pourrait avoir un impact en tant qu’événement de formation pour moi. C’était la meilleure chose à faire au moment où j’ai reçu cette invitation, mais j’ai aussi pensé ensuite que cette invitation et ce qui m’était arrivé devaient être liés au désir — au désir de pouvoir assurer, avec mes collègues du Brésil et de toute l’AMP, une bonne diffusion de notre Congrès.

Il m’a semblé très important qu’il y ait le plus grand nombre possible de collègues membres de l’École, mais aussi de ceux qui ont un lien transférentiel avec le Champ freudien, en particulier les étudiants des Instituts, afin que nous ayons un Congrès représentatif.

Notre travail n’est pas un travail d’exécution directe, c’est une sorte de travail de conseil. Toute une préparation est réalisée par les collègues directement impliqués dans les cartels pour organiser le Congrès.

Nos rencontres ne sont pas des discussions académiques détachées, mais elles peuvent produire des effets, tant au niveau de la production que de la formation, pour chacun d’entre nous.

*Iordan Gurgel (EBP) membre du comité executif.

Traduction: Guillermina Laferrara. / Révision de traduction: Marie Salaün.


La place des jeunes de langue anglaise…*

L’executive board est composé de représentants de chaque École et le directeur du prochain congrès de l’AMP, Ricardo Seldes se réunit à sa demande, pour discuter de diverses questions en vue du Congrès. J´attire l’attention de l’executive board sur les particularités de la NLS, notamment sur la place des jeunes de langue anglaise lors du Congrès, ainsi que sur une participation plus importante des membres de la NLS et de ses groupes à cet événement international.

Par ailleurs, je souligne les spécificités de l’édition anglophone de Scilicet, dont suis la coresponsable. Étant donné que la NLS est une école bilingue, une partie des textes sont rédigés en français, ce qui implique un important travail de traduction : sur l’ensemble des contributions pour le Scilicet, seuls cinq textes sont directement écrits en anglais.

*Ruzanna Hakobyan (NLS) membre de l’executive board


Ne pas saturer l’interêt des participants potentiels…*

Le but des activités préparatoires n’est pas de développer le thème en profondeur avant l’événement, mais plutôt d’élargir le champ, repérer les questions afin de ne pas saturer l’intérêt des participants potentiels. Pour la préparation du Congrès, sa direction, s’est dotée de plusieurs instruments actifs depuis de nombreux mois : le Scilicet, le Blog et la Bibliographie. La préparation se fait au niveau de l’École Une et dans chaque École avec sa particularité – l’AMP respectant ainsi la diversité des sept Écoles. En outre, dans chaque École, la préparation s’effectue à la fois de manière centralisée et à niveau local (délégations régionales, comunidades, sedes…).

Dans chaque École un correspondant a été désigné qui travaille en étroite synergie avec les membres de l’executive board.

Par ailleurs, un moment clé du congrès est la journée clinique, où la présentation de cas permet débats et élaboration collective sur la pratique actuelle. On attend de la série des cas qui seront présentés qu’ils puissent donner au syntagme lacanien « Il n’y a pas de rapport sexuel », son éclairage contemporain.

*Victoria Horne Reinoso (ECF) membre de l’executive board.