« Je suis très heureux de voir un très grand nombre de figures jeunes puisque (…) c’est dans (…) ces figures que je mets mon espoir » . Ainsi s’exprimait Lacan dans une conférenceen Italie en 1974 en associant jeunesse et espoir. De quel espoir s’agit-il ?
On songe ici à la fameuse « Lettre à la jeunesse » d’Émile Zola, évoquant le Quartier latin qui s’embrasait « tout frémissant des fières passions de la jeunesse, l’amour de la liberté, la haine de la force brutale, qui écrase les cerveaux et comprime les âmes ». L’espoir dont parle Lacan ne relève pas de ce lyrisme-là mais d’une nécessité à ce qu’il y ait la psychanalyse, nécessité à ce qu’il y ait des analystes.
Nécessité de discours donc, et précisément parce que la jeunesse, dit-il, est « sensible » au discours dominant, elle est un guide pour comprendre le moment présent. La jeunesse est une plaque sensible à la contemporanéité.
Quel enseignement en extraire ? Qu’il s’agit de tenir compte du monde comme il va afin que l’offre psychanalytique ne soit pas « hors sol » et se maintienne. Lacan a parlé la langue de son époque pour que la jeunesse vienne dans son école. Il a parlé de cybernétique, il a intégré le vocabulaire du marxisme, etc. Il y a réussi. C’est un « Lacan opportuniste » comme s’exprime JAM, « parce qu’il était accroché à son discours et qu’il cherchait les moyens de le faire passer ».
Dans son adresse à la jeunesse, Lacan comme il le dit lui-même ne fait aucune propagande. En lieu et place des illusions, que lui offre-t-il ? Rien d’autre que l’offre analytique, elle-même.
Cette orientation a inspiré le conseil de l’amp et incité les écoles à se préoccuper de la place des jeunes dans notre école. Il s’agit de veiller au renouvellement dans nos écoles, et de donner la priorité à l’avenir, au développement de la psychanalyse d’orientation lacanienne dans le monde. Veiller à la présence de jeunes membres dans les écoles, leur faire une place effective. Il s’agit de prendre en compte la temporalité propre à leur parcours de formation singulier, celui qui dans nos écoles se fait par immersion. C’est pourquoi cette politique engage aussi la présence des plus aguerris, des AME, pour encourager les jeunes collègues à faire le trajet qui leur permette d’entrer à l’école, dans la visée d’une transmission non anonyme de l’expérience de l’école.
Le moment d’agir est venu.
LACAN, J., « Conférence du 30 mars 1974 », Lacan in Italia/Lacan en Italie (1953-1978), Milan, La Salamandra, 1978. Conférence donnée au Centre culturel français le 30 mars 1974.
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L’œuvre sans titre de l’artiste argentin Léon Ferrari, date de 1977. Les silhouettes dansantes nous parlent de Jacques Lacan associant jeunesse et espoir, cité dans la Lettre de la présidente.